Moulinex, Prisunic, Kodak, Nokia...: comme d’autres, ces entreprises sont mortes (ou presque) de ne pas avoir évolué, mettant sur le devant de la scène la nécessité du changement, à l’origine d’une mode que l’on pourrait qualifier de “Darwinisme entrepreneurial”, selon laquelle la sélection ne conservera que les entreprises sachant s’adapter aux évolutions de leur environnement.
Dans ce maelström, on peut parfois se demander si pour certains le changement n’est pas une fin en soi, s’il ne faut pas “changer pour changer”, afin de faire simplement comme les autres, comme le faisaient les moutons de Panurge… ou comme ont pu le faire la plupart des banques mondiales dans les années précédant la crise des subprimes de 2007-2008.
Or, le changement est quelque chose de sérieux : si comme l’avait théorisé Schumpeter l’innovation est un processus de destruction créatrice, il faut tout faire pour éviter les erreurs qui feraient qu’en étant, du fait d’une mauvaise gestion du changement, obligés de s’arrêter en cours de route, on ne fasse que subir l’effet de destruction sans bénéficier de l’effet de création.
Dans ce contexte, la notion de conduite du changement s’impose donc logiquement aujourd’hui comme une notion centrale du management, surtout lorsque l’on sait que “70% des démarches de changement engagées dans les entreprises n’aboutissent pas” (étude Mc Kinsey de 2013).
Ayant passé jusqu’ici l’essentiel de ma carrière professionnelle à piloter des changements, j’ai retiré de cette expérience trois convictions :
La définition claire et lisible du “pourquoi changer” est une condition nécessaire (mais pas suffisante) de la réussite du “comment changer”. Pour le dire en d’autres termes, le changement de stratégie doit précéder la stratégie de changement.
Le changement, c’est donc d’abord une question de stratégie et de business model : dans quelle mesure mes ressources (locaux, outils, hommes, capitaux, trésorerie, etc.) sont elles adaptées aux évolutions pressenties du marché ?
A ce stade, le chef d’entreprise disposera d’une vision de l’avenir, prérequis incontournable : on ne réussit un changement que si celui-ci fait sens pour les salariés, lesquels déclarent hélas pourtant à 76%, selon un sondage IPSOS/ESSEC de 2012, qu’ils “ne comprennent pas toujours très bien la nécessité des changements”.
Pour autant si donner du sens est une première étape incontournable, rien ne se fera sans l’adhésion franche et la motivation d’une part importante des salariés, sachant qu’au départ seulement 11% des personnes développent une adhésion forte devant un changement (Etude IFOP/La Tribune, 2010), plus de la moitié (53%) optant pour une posture “d’adhésion molle”.
Pour faire adhérer au changement, il faut bien sûr un discours simple et clair, en ligne avec la stratégie, mais il est préférable également, dans la mesure du possible, de communiquer sur l’utilité des changements pour les salariés et sur le coût raisonnable en termes d’efforts pour y parvenir, comme l’ont montré les auteurs du “Modèle d’Acceptation de la Technologie” (Davis et al.).
Ensuite “les mouvements historiques (ayant été) jusqu’ici accomplis par des minorités” (Marx et Engels...), il n’est pas nécessaire de convaincre tout le monde en gaspillant son énergie à essayer de convaincre le gros tiers de réfractaires. Il “suffit” d’ancrer dans le mouvement la moitié “d’adhérents mous” au changement, l’objectif étant in fine d’obtenir, à l’instar du Net Promoteur Score pour les commerciaux, un Net Réformateur Score à son avantage. Après tout, la différence n’est pas bien grande, il s’agit de vendre une idée.
Pour continuer à filer la métaphore, cet effort pourra être conduit par un Groupe Résolu d’Influence pour le Changement (“GRIC”, à l’instar du Groupe Réel d’Influence et de Décision des commerciaux) constitué, après cartographie du personnel au regard de son appétence pour le changement, des alliés et leaders potentiels repérés dans les 11% moteurs de ce changement.
Une fois l’adhésion et la motivation obtenue, nous ne sommes toujours pas au bout de nos peines, car il convient également d’assurer le service après-vente du changement, c’est-à-dire s’intéresser aux conditions et aux détails de la mise en oeuvre des idées. Le changement ne se décrète pas, et nombre de projets échouent au stade du l’outil chargé de les mettre en oeuvre, parce qu’on n’a pas passé le temps suffisant à bien le choisir, à bien le paramétrer, à bien associer et former les salariés, etc.
Il faudra également de la ténacité en cas de doute, il faudra surtout, afin d’éviter que celui-ci ne s'installe, obtenir rapidement des succès probants, comme l’a mis en évidence John Kotter après avoir étudié un panel de plus de 100 entreprises. Le changement se planifie et se hiérarchise, et commencer par le plus logique ou le plus urgent n’est pas nécessairement la bonne solution… Bref, le changement est une dynamique, et pour entretenir cette dynamique sur la durée d’un projet, il convient de gérer les énergies sur la durée de ce projet.
Au final, on l’aura compris, aux trois étapes principales du changement (le changement de stratégie, la stratégie de changement, la mise en oeuvre du changement) correspond une injonction (donner du sens, motiver, gérer les énergies), dans un modèle où il convient de respecter un certain nombre de précautions décrites ci-dessus et que j’ai réunies sous le terme de 12 commandements :
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